Vivre parmi les livres

Dans le sous-sol face à ma bibliothèque, il y a une chaise. À chaque fois que je m’y installe, je me sens aussitôt inspiré et j’ai envie de démarrer un projet. Ce n’est pas que cette chaise soit magique, particulièrement confortable ou même très jolie, c’est plutôt le contraire. Toutefois, lorsque je l’occupe, mon champ de vision est composé de livres. Pour tout vous dire, je m’y trouve en ce moment pour rédiger ce texte et, quand mes yeux s’évadent de l’écran, je repère mes livres photo. ll suffit que mon regard croise leur épine pour que leur contenu défile dans ma tête.

Ma bibliothèque est méthodiquement classée et je peux vous aiguiller (à peu près) vers l’emplacement de chaque ouvrage. Même les espaces vides me parlent. Ils me diront que telle publication repose présentement sur ma table de chevet et que telle autre est entre les mains d’un ami qui voulait la consulter. Je suis la seule personne apte à décrypter facilement son organisation et à y dénicher un titre précis sans perdre un temps fou.

Classification

Quand ma douce a compris qu’il était peine perdue de tenter de me convaincre de réduire cette accumulation de bouquins, elle m’a suggéré ceci : « Si tu plaçais tes livres par couleur? Ça semblerait moins éparpillé. » Sur le coup je n’ai pas aimé l’idée, estimant que cette méthode serait encore pire que la classification par catégorie que j’avais brièvement testée pour mes disques puis abandonnée. J’avais vite réalisé que mes goûts étaient trop éclectiques pour qu’il en ressorte quoi que ce soit de bon.

Je penchais plutôt pour l’ordre alphabétique (par nom de famille d’auteur). J’y voyais quelque chose de rassurant à savoir que juste à côté de « Capa » se trouvait « Cartier-Bresson ». Cet arrangement comptait toutefois son lot de faiblesses. Premièrement, les petits livres côtoyaient les gros, les sobres se juxtaposaient aux criards et ma douce avait raison, « même rangée, la bibliothèque avait l’air en désordre ». Deuxièmement, cette logique était beaucoup trop prévisible. Si je consultais souvent les titres d’un favori comme Garry Winogrand, ses voisins passaient inaperçus. C’est triste pour Edward Weston et Weegee qui méritent mieux. Ensuite, et c’est probablement le pire, puisque mes livres sont cordés serrés, me procurer la monographie d’un photographe dont le nom avait le malheur de commencer par « A » comme par exemple, Richard Avedon ou Ansel Adams, m’obligeait à faire décaler d’une case chaque ouvrage suivant, jusqu’à « Z ».


Quand ma douce a compris qu’il était peine perdue de tenter de me convaincre de réduire cette accumulation de bouquins, elle m’a suggéré ceci : « Si tu plaçais tes livres par couleur? Ça semblerait moins éparpillé. »


J’ai donc adopté le tri par couleur. Après une petite période d’adaptation, je suis heureux de dire que je ne pourrais plus m’en passer. C’est juste assez organisé pour que ma bibliothèque forme une agréable palette allant d’un blanc pur à un noir ténébreux, mais également juste assez incohérent pour pouvoir redécouvrir des titres à l’aveuglette et faire des associations d’idées surprenantes. Parce que des fois, l’inspiration se trouve dans le livre juste à côté de celui qu’on cherche.

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