Livre – Renaud Philippe

Renaud Philippe a un don pour saisir le « ressenti » et son projet de livre, le premier, ne fait pas exception. « Il fallait juste que ça se fasse. Ça fait dix ans que je me dis « un livre, un livre » et ce projet-là n’avait pas d’autres choix que de vivre ainsi. »

Ce projet-là, c’est Impermanence, un travail à mi-chemin entre le documentaire et l’essai photographique. Cette réflexion autour de l’instabilité est inspirée de Bangkok, qui s’enfonce dans la terre à un rythme de 2 à 5 cm par an; certains quartiers ont perdu 1,7 m depuis 60 ans! Malgré tout, les industries continuent de pomper l’eau des nappes phréatiques et on y construit des gratte-ciels, toujours plus haut.

Bangkok

« Je n’avais pas nécessairement l’intention d’aller en Thaïlande, mais on m’a choisi pour un résidence d’artiste. Et c’est grâce à cet échange que je me suis documenté sur Bangkok. C’était un séjour de deux semaines à la base, mais je l’ai prolongé. Deux semaines, c’était vraiment court pour produire, choisir et présenter. Je suis donc resté une semaine de plus pour prendre du recul. » Renaud s’est ensuite permis de laisser décanter le projet et y est retourné deux fois par la suite pour approfondir sa réflexion. « La deuxième fois, quand j’y suis retourné, la notion d’impermanence je la connaissais. Je n’allais plus travailler sur un fait, mais sur cette idée. » Pour son dernier séjour, il est allé chercher des images bien spécifiques pour exprimer sa vision avec justesse.

Si l’aspect documentaire demeure le fil conducteur, on l’aborde toutefois en regardant au-delà. « Ça reste de l’information. De l’information très libre, mais ça reste de l’information. Si on regarde ce livre, normalement on comprend qu’à la fin il y a un danger. Notre façon de vivre, notre façon d’être, notre façon de consommer fait en sorte qu’on se met en péril. Derrière chaque photo ou presque, il y a quelque chose, une raison. Je n’ai pas mis d’images dans un contexte qui n’avait rien à voir juste parce que ça m’évoque l’impermanence. Ça a été pris dans des lieux qui sont grandement affectés par les changements climatiques. Une fois sur place, je me suis permis de faire ce que je voulais. »


« Il fallait juste que ça se fasse. Ça fait dix ans que je me dis « un livre, un livre » et ce projet-là n’avait pas d’autres choix que de vivre ainsi. »


Le concept de créativité prend ainsi tout son sens et, au final, on se retrouve devant un projet d’une sincérité désarmante. Renaud prône qu’il faut être heureux dans ce qu’on fait sans nécessairement répondre au pied de la lettre à ce que les autres demandent. « C’est plus difficile de se poser des questions sur le message à transmettre quand on est exécutant. » Sur ses mandats, il dit « Moi j’ai envie de m’amuser. Maintenant, c’est vraiment ça. Pendant des années tu donnes un coup et tu prends le plus de mandats possible. C’est gratifiant de pouvoir dire que maintenant, je le fais vraiment comme je le sens et quand quelqu’un me propose quelque chose, c’est qu’il veut ma façon de faire. »

Le fait de s’investir corps et âme dans ses projets lui permet de tisser des liens qui à leur tour en tissent d’autres. C’est ainsi qu’il réussi à rendre son travail cohérent et évite de rester en surface. « Des médias vont envoyer un photographe quelque part pour trois jours. En trois jours, tu as à peine le temps de t’imprégner. Tu as le temps d’être surpris, tu vas faire les images qui te surprennent, mais les images qui te surprennent ce sont souvent des clichés.» Une façon de faire qui peut donner des photos percutantes, mais qui ne fait pas le tour de la question.

Le livre

« C’est mon premier livre. Un jour, j’ai lu cette citation “Le premier livre photo que tu sors, travaille-le bien parce que c’est toujours de la merde.” Alors je me suis dit, je n’ai pas le goût que ce soit ça. » C’est pour cette raison qu’il s’est investi pour que le contenant soit à la hauteur du contenu. Au delà de la mise en pages ou du choix des caractères typographique, le design devait refléter l’esprit. Le graphisme ne devait pas empiéter sur les photos, « mais on est dans le senti : les choix des matériaux, le format. Tout ça, ce sont des notions qui font en sorte que l’interprétation du message peut être différente. On parle d’impermanence, on ne parle pas de quelque chose de solide, mais de fragile, de délicat».

Projet neutre en carbone

Il était inconcevable pour Renaud de travailler sur un sujet environnemental et faire exploser son bilan carbone « Trois aller-retour à Bangkok, c’est à peu près le bilan carbone d’un éthiopien pendant quatre ans. C’est débile! » Il a donc acheté des crédits carbone qui serviront à planter des arbres et ainsi rendre son livre neutre en carbone. « L’équilibre! Et maintenant, je ne pourrai plus prendre un avion sans acheter des crédits carbone pour compenser. »


Impermanence est disponible dans la boutique

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